Message du commissaire
En accordant de nouveaux pouvoirs aux organismes de sécurité et de renseignement, la législation visant à lutter contre le terrorisme adoptée l'an dernier a suscité des interrogations quant à l'exercice d'une surveillance adéquate. Les atrocités commises par le groupe terroriste qui se fait appeler État islamique et la violence des attentats perpétrés par ses partisans, qui recrutent dans leurs rangs des extrémistes au Canada et des combattants étrangers canadiens, attisent le débat. C'est dans ce contexte que, m'acquittant de mes fonctions en tant que commissaire, j'ai informé le ministre de la Défense nationale et le procureur général du Canada que le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) menait des activités relatives aux métadonnées qui, à mon avis, n'étaient pas conformes à la loi. Il s'agissait d'une première pour le bureau et l'annonce de cette constatation a coïncidé avec le dépôt au Parlement de mon rapport annuel précédent – six mois plus tard qu'à l'ordinaire en raison du déclenchement des élections fédérales. J'ai néanmoins trouvé encourageant de voir par la suite une plus grande transparence des activités du CST.
Le 19 juin 2016, cela fera vingt ans que le Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications contribue à faire en sorte que le CST se conforme à la loi, ce qui inclut la protection de la vie privée des Canadiens. Alors que je réfléchis sur mon expérience au cours de mon mandat de commissaire, qui s'achèvera en octobre 2016, le présent rapport annuel m'offre la possibilité de faire état des progrès importants et de certaines réalisations clés du bureau au cours des 20 dernières années. Le bureau peut être fier du rôle qu'il a joué dans la protection de la vie privée des Canadiens, car, en plus de son appui au ministre dans sa reddition de comptes et le contrôle du CST, il a su convaincre le public que le CST fait l'objet d'un examen rigoureux pour déterminer si ses activités sont conformes à la loi et s'il prend des mesures adéquates pour protéger la vie privée des Canadiens. En fait, comme l'honorable juge Dennis O'Connor l'a écrit dans son rapport en 2006 à l'issue de la Commission d'enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar, le bureau « fonctionne très bien. Je ne vois donc aucune raison d'intervenir dans ses activités. »
Bien que le bureau puisse s'enorgueillir de certaines réalisations d'importance majeure au cours de ses 20 années d'existence, un travail important l'attend. Le nouveau gouvernement a pris des engagements, à savoir accroître la transparence, renforcer la reddition de comptes des organismes de sécurité et de renseignement et assurer un meilleur équilibre entre la sécurité collective et les droits et libertés des citoyens, ce qui inclut à coup sûr l'adoption de mesures satisfaisantes pour protéger la vie privée des Canadiens. À cette fin, j'ai envoyé une lettre à M. David McGuinty, député — à qui le premier ministre a confié un rôle de direction au sein du comité parlementaire sur la sécurité nationale qu'il a proposé — dont j'ai envoyé copie aux ministres de la Défense nationale et de la Sécurité publique ainsi qu'au leader du gouvernement à la Chambre des communes, afin de leur présenter mes observations et commentaires d'après mon expérience en qualité de commissaire du CST.
Le modèle canadien d'examen expert des organismes de sécurité et de renseignement est efficace. Il repose sur l'existence d'un organisme d'examen indépendant propre à l'organisme examiné et indépendant du gouvernement. Ces organismes d'examen disposent de pouvoirs qui leur garantissent un accès sans entrave aux organismes qu'ils examinent, y compris à tout le personnel. Grâce à des employés dévoués comptant de nombreuses années d'expérience, on est parvenu à une connaissance approfondie de la nature sensible sur le plan opérationnel et souvent complexe sur le plan technique et juridique des activités des organismes de sécurité et de renseignement. Je sais que mon bureau a élaboré des méthodes rigoureuses lui permettant d'effectuer un examen exhaustif et robuste. Les organismes d'examen sont également habitués à la tâche délicate d'informer le public concernant leur travail, dans la mesure du possible, tout en protégeant les renseignements sensibles.
Même si j'apprécie au plus haut point le modèle d'examen que nous avons développé au Canada, des changements s'imposent à mesure que le contexte évolue, tant sur le plan technologique que sur le front des menaces pour la sécurité. La clarification de la Loi sur la défense nationale, comme le recommandent les commissaires depuis plus de 10 ans, appuierait le gouvernement dans les engagements qu'il a pris de renforcer la reddition de comptes et la transparence du CST. Des modifications à la loi pourraient également offrir au commissaire, qui est un juge à la retraite d'une cour supérieure, de nouvelles fonctions pour appuyer le ministre dans sa reddition de comptes et le contrôle du CST. Par exemple, le commissaire pourrait fournir au ministre une évaluation spécialisée indépendante des autorisations ministérielles proposées, des conditions d'autorisation définies dans la Loi pour vérifier qu'elles sont remplies et des mesures de protection correspondantes de la vie privée. Cette approche cadrerait avec les modèles étrangers, tels que les réformes en cours au Royaume-Uni.
Les préoccupations que suscitent, sur le plan de la légalité et de la vie privée, la coopération et l'échange de renseignements entre les organismes de sécurité et de renseignement soulèvent une autre question, à savoir celle de la coopération entre les organismes d'examen. Certes, les organismes d'examen peuvent travailler dans une certaine mesure de manière concertée en vertu des lois en vigueur. Toutefois, comme je l'ai mentionné auparavant, il y a lieu de modifier la législation pour les autoriser expressément à échanger de l'information, à mener des enquêtes conjointes et à préparer des rapports concertés, et pour exiger que les organismes de sécurité et de renseignement coopèrent avec eux.
Je suis favorable à l'engagement pris par le gouvernement d'établir un comité parlementaire axé sur la sécurité nationale et dont les membres posséderaient l'habilitation de sécurité requise. De concert avec les organismes d'examen experts, un tel comité offrirait un cadre exhaustif pour la reddition de comptes concernant les activités de sécurité et de renseignement et pourrait contribuer à renforcer la confiance du public. Les rôles respectifs, toutefois, doivent être définis clairement pour éviter la confusion, le dédoublement des efforts et le gaspillage de ressources. Mon bureau pourrait demander des ressources supplémentaires pour travailler avec le nouveau comité parlementaire et appuyer la tenue d'examens conjoints.
Enfin, un mot concernant la transparence — qui est la pierre angulaire de ma démarche en tant que commissaire. La transparence est essentielle pour démystifier le travail du CST, pour contribuer à un débat public plus éclairé, pour améliorer la reddition de comptes et pour atteindre l'objectif ultime du bureau, qui est le maintien de la confiance du public dans le travail important accompli par le CST. C'est pourquoi j'ai continué à exhorter le CST à rendre public le maximum d'information possible tout en respectant les restrictions imposées par la Loi sur la protection de l'information et à examiner soigneusement si certains renseignements doivent demeurer classifiés.
Au cours de l'exercice écoulé, j'ai été heureux d'être invité à comparaître à deux reprises devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense pour expliquer les activités de mon bureau et mes conclusions. À mesure que le gouvernement poursuit son programme de sécurité globale, j'espère avoir l'occasion de contribuer davantage à l'élaboration de propositions propres à renforcer à la fois la reddition de comptes de la part du CST et la confiance du public.
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