Activités de 2004-2005
Chaque année, mon bureau procède à des examens approfondis des activités du CST dans des domaines désignés prioritaires dans un plan de travail pluriannuel. Le plus souvent, il s'agit de domaines touchant le cycle de production du renseignement où des questions de protection de la vie privée risquent d'être soulevées. Je rends compte de tous mes examens au ministre de la Défense nationale, soit pour l'assurer de la légalité des activités du CST, soit pour lui signaler des préoccupations particulières découlant des examens. Mon travail de commissaire se limite à juste titre à un examen a posteriori; je n'exerce pas de surveillance, ce qui supposerait un rôle relativement aux activités courantes du CST.
Au cours de l'année 2004-2005, j'ai présenté en tout cinq rapports classifiés au ministre, soit deux dans le cadre de mon mandat général et les trois autres conformément à mon mandat d'examiner des activités particulières autorisées par le ministre.
Le processus d'examen
Comme dans tout mon travail, j'accorde une haute priorité à la collaboration au cours du processus d'examen. En pratique, cela veut dire faire part de mes préoccupations au personnel concerné du CST le plus tôt possible, afin que des mesures correctrices appropriées puissent être prises s'il y a lieu. Dans le cadre des efforts déployés par mon bureau pour effectuer des changements de manière opportune, mes collaborateurs donnent maintenant, à la suite du processus d'examen, une séance d'information sommaire à tout le personnel concerné du CST.
L'un des principes fondamentaux qui guident l'examen consiste à repérer les secteurs problématiques avant qu'un problème ne se manifeste. Ainsi il s'agit de chercher à savoir non seulement s'il y a eu activité illégale, mais encore si une telle activité serait possible et si des mesures préventives peuvent être mises en place pour la prévenir. Je pense que cette approche proactive et préventive est essentielle pour établir un équilibre entre le besoin indiscutable d'activités de sécurité et de renseignement et les droits fondamentaux à la vie privée que nous nous attendons à voir garantis au Canada.
Examens effectués dans le cadre du mandat général du commissaire
Au cours de la période couverte par le présent rapport, j'ai présenté deux rapports classifiés au ministre de la Défense nationale sur des sujets liés à mon mandat général[1] d'examiner les activités du CST pour en vérifier la légalité.
L'un des rapports portait sur l'examen d'un programme opérationnel mis en œuvre par le CST en vertu de l'alinéa 273.64(1)a) de la LDN, souvent désigné comme le mandat du CST en matière de renseignement étranger. Dans ce cas, mes constatations ont révélé que le CST avait agi légalement dans le cadre de ce programme. De plus, les employés affectés avaient montré qu'ils connaissaient bien la loi et la politique qui le régissent.
L'autre rapport classifié au ministre avait trait à mon examen d'un sous-ensemble d'activités menées par le CST en vertu de l'alinéa 273.64(1)c) de la LDN, pour répondre aux demandes d'aide reçues d'organismes fédéraux d'application de la loi[2]. À cet égard, la GRC est le principal client du CST. Lorsqu'il fournit à la GRC une aide dont la portée est limitée et définie dans une politique, le CST le fait à titre d'agent. Avant d'accepter d'agir à ce titre, il doit cependant s'assurer, d'une part, que la GRC est autorisée à faire la demande et, d'autre part, qu'il a le pouvoir de fournir l'aide en question.
Mon bureau a examiné l'aide fournie par le CST à la GRC en vertu du mandat c) pour l'année 2003. En se fondant sur les activités examinées, il a conclu que cette aide avait été conforme à la loi.
Cela dit, toutefois, les deux rapports contenaient des recommandations dont beaucoup avaient trait à certaines faiblesses des politiques et procédures du CST, domaine qui a fait l'objet d'une attention et de mentions semblables lors d'examens précédents. J'ai en outre recommandé que le CST accélère ses efforts pour améliorer et actualiser les systèmes actuels de gestion de l'information et des dossiers. Au moment de la rédaction du présent rapport, le CST avait résolu certaines de ces questions et s'était engagé à s'occuper des autres au cours des mois à venir.
Examens d'activités découlant d'une autorisation ministérielle (AM)
Comme je l'ai dit, j'effectue des examens a posteriori. Dans le cas des activités du CST autorisées par le ministre, j'entreprends mes examens une fois que les autorisations en question arrivent à terme.
Au cours de l'année à l'étude, je me suis concentré sur les activités menées par le CST en vertu de trois AM; ces activités avaient toutes trait à la collecte de renseignements étrangers et ont fait l'objet de rapports classifiés au ministre.
Lorsqu'il examine des activités menées en vertu d'AM, mon bureau est guidé directement par la législation, qui prescrit les activités permises et interdites au CST. Plus précisément, mes examens dans ce domaine portent sur l'interception de communications privées, qui sont ce qu'une AM autorise. L'article 183 du Code criminel définit une communication privée comme suit :
Communication orale ou télécommunication dont l'auteur se trouve au Canada, ou destinée par celui-ci à une personne qui s'y trouve, et qui est faite dans des circonstances telles que son auteur peut raisonnablement s'attendre à ce qu'elle ne soit pas interceptée par un tiers. La présente définition vise également la communication radiotéléphonique traitée électroniquement ou autrement en vue d'empêcher sa réception en clair par une personne autre que celle à laquelle son auteur la destine.
Aux fins de la collecte de renseignements étrangers, la LDN autorise le CST à intercepter des communications privées à condition que l'interception résulte d'activités par lesquelles il vise une entité étrangère située à l'extérieur du Canada. Au cours des deux dernières années, j'ai accordé beaucoup d'attention aux AM sur les renseignements étrangers en raison de leur vaste portée et du degré possible d'immixtion dans la vie privée de Canadiens. Les AM relatives à la sécurité des technologies de l'information (STI) autorisent également l'interception de communications privées, mais le CST sollicite cette autorisation dans tous les cas à la demande de l'organisme client dont les systèmes et les réseaux font l'objet d'une vérification.
Dans mon dernier rapport annuel, je signalais qu'un certain nombre de mes préoccupations avaient été résolues, tandis que d'autres subsistaient. Au cours de la dernière année, j'ai pu faire clarifier des points de droit et d'interprétation relatifs aux activités que mène le CST en vertu de ces dispositions. Mon bureau a eu des entretiens avec des membres du personnel et des cadres du CST tout au long de ce processus.
Pour les juristes qui sont habitués aux mandats émis par des juges, une AM relative à des renseignements étrangers peut surprendre. Toutefois, il faut tenir compte du fait que, lorsqu'il recueille des renseignements étrangers, le CST cherche à intercepter des communications étrangères, ou au moins la portion étrangère de ces communications, et qu'un mandat délivré par un tribunal canadien n'a pas compétence en dehors du Canada dans ce cas.
Les AM relatives à des renseignements étrangers sont une solution unique que l'on applique à un ensemble également unique de circonstances qui peuvent survenir lorsque le CST reconnaît que l'origine ou la destination d'une communication interceptée se trouve au Canada. L'interception ne visait pas une communication au Canada, mais l'un des pôles de la communication se trouve au Canada et est par conséquent, selon la loi, une communication privée. Si cette communication contient de l'information essentielle aux affaires internationales, à la défense ou à la sécurité, comme le précise la loi intéressant le CST, il est raisonnable que le gouvernement du Canada veuille que le CST la conserve et en fasse rapport.
Les dispositions relatives aux AM visant l'obtention de renseignements étrangers, qui figurent à la partie V.1 de la LDN, comprennent quatre conditions qui doivent être remplies avant que le ministre de la Défense nationale autorise l'interception d'une communication privée. Je suis d'avis que l'inclusion de ces conditions est à la fois raisonnable et compatible avec les autres lois qui établissent un pouvoir d'exercer des activités qui, en l'absence de justification suffisante, seraient considérées comme un empiétement sur les droits de la personne garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.
À mon avis, ces dispositions sur les AM constituent une exception à la partie VI du Code criminel, qui protège contre l'intrusion dans la vie privée. Je n'ai aucun doute quant à leur but, car la LDN autorise explicitement l'interception de communications privées sous réserve des quatre conditions et de l'examen ministériel. Mon examen des communications privées interceptées par le CST me permet de déterminer s'il a satisfait aux conditions imposées dans l'AM; par exemple, je sais si l'interception a été le résultat d'activités visant une entité étrangère située à l'extérieur du Canada. Je peux également déterminer si la communication a été utilisée, conservée ou détruite conformément à la loi, c'est-à-dire si oui ou non elle était essentielle aux affaires internationales, à la défense ou à la sécurité du Canada.
À la lumière de ce qui précède, je pense que mon examen des activités menées par le CST en vertu d'une AM visant l'obtention de renseignements étrangers doit porter sur les communications privées interceptées dont le CST m'indique qu'elles ont été reconnues et conservées pendant la durée de l'autorisation.
Le ministre de la Défense nationale sait comment j'ai interprété et je continuerai de remplir mon mandat à l'égard des AM visant l'obtention de renseignements étrangers. J'ai par ailleurs fourni au ministre mon interprétation des dispositions relatives aux AM, telles qu'elles sont actuellement libellées, et de ce qu'elles permettent en droit. J'ai en outre présenté des suggestions particulières sur ce que l'on pourrait faire pour supprimer les ambiguïtés et assurer une compréhension commune de l'application de ces dispositions en pratique.
Examen de recommandations passées
Je pense qu'il existe des preuves concluantes à l'appui de la fonction d'examen de mon bureau et de l'incidence qu'elle a eue sur les processus internes du CST au fil des ans. Lorsque les constatations de l'examen le justifient, j'inclus parfois des recommandations de mesures à prendre par le CST. Ces recommandations sont, comme il se doit, non obligatoires. Des recommandations obligatoires usurperaient à la fois la prérogative du ministre, qui a la responsabilité d'ensemble du CST, et celle du chef du CST, qui est responsable de la gestion du Centre en vertu de la partie V.1 de la LDN. L'efficacité de l'examen effectué par un organisme dont les recommandations ne sont pas obligatoires pourrait être mise en doute. Toutefois, en me fondant sur mon expérience de la réaction du CST aux recommandations faites par mon bureau, je peux affirmer avec assurance que l'examen est efficace.
Comme je le mentionnais dans mon rapport annuel précédent, nous avons entrepris l'année dernière un travail de suivi de la réaction du CST aux recommandations que mon prédécesseur et moi-même avions faites dans des rapports classifiés présentés au ministre de la Défense nationale depuis 1996. Je suis heureux de rendre compte de ce travail. Un processus a aussi été mis en place pour faire en sorte que le Centre donne rapidement suite aux recommandations que formulera mon bureau dans les rapports à venir.
Au cours de l'année dernière, mon personnel a travaillé étroitement avec les gens du CST pour surveiller leur réaction et les mesures prises à la suite des recommandations, notamment l'établissement de calendriers et de dates cibles d'achèvement. Sur les 77 recommandations faites entre 1996 et la fin de la présente année financière, la majorité ont été acceptées et mises en œuvre, et j'attends ce qui, je pense, sera une réponse positive du CST sur un certain nombre d'autres. Nombre de recommandations portent sur des grandes questions de principe comme l'officialisation des relations, tandis que d'autres touchent les pratiques techniques et opérationnelles, dont l'établissement de définitions uniformes et de structures de responsabilisation appropriées. Cela dit, le but final de toutes mes recommandations est de prévenir les situations ou les pratiques qui pourraient mener à l'illégalité ou avoir une incidence sur la vie privée des Canadiens. Je pense que ce processus de suivi des recommandations est fondamental pour atteindre ce but.
Je salue la mesure dans laquelle le chef du CST a accepté l'examen en tant que partie intégrante de la vision de son organisation. Je tiens en outre à exprimer ma reconnaissance aux gens du CST pour leur coopération et leur volonté de donner suite aux recommandations.
Constatations faites en 2004-2005
Chaque année, je présente mes constatations au sujet de la légalité des activités du CST en me fondant sur les examens effectués par mon bureau au cours des 12 mois précédents. Je suis en mesure de rapporter que je suis persuadé que les activités du CST examinées au cours de la période visée ont été conformes à la loi. De plus, je suis convaincu que les communications privées interceptées que j'ai examinées avaient été acquises, utilisées et conservées légalement.
Plaintes et préoccupations relatives aux activités du CST
Conformément à l'alinéa 273.63(2)b) de la Loi sur la défense nationale, je dois répondre à une plainte en effectuant toute enquête que je juge nécessaire pour déterminer si le CST se livre à une activité illégale. Sur des tribunes diverses, des gens ont exprimé leur surprise au sujet du nombre limité de plaintes adressées à mon bureau au fil des ans.
À mon sens, la probabilité d'une plainte du public est réduite du fait de la nature et de l'objet des activités du CST, qui se fondent sur la technologie et visent des entités étrangères situées à l'extérieur du Canada. Contrairement aux autres organismes fédéraux de renseignement ou d'application de la loi, le CST n'a aucune visibilité publique et il ne se livre pas non plus à des activités qui le placent dans le domaine public. Au cours de l'année 2004-2005, je n'ai reçu de plainte d'aucune source au sujet des activités du CST.
[2] 273.64(1) Le mandat du Centre de la sécurité des télécommunications est le suivant :
c) fournir une assistance technique et opérationnelle aux organismes fédéraux chargés de l'application de la loi et de la sécurité, dans l'exercice des fonctions que la loi leur confère.
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