Contexte de l'examen
Plusieurs faits nouveaux survenus au cours de l'année et l'évolution de certains dossiers en cours pourraient avoir une incidence sur le secteur de la sécurité et du renseignement en général, ainsi que sur les rôles et les responsabilités des organismes d'examen comme celui dont je suis responsable. J'ai surveillé de près ces développements et j'ai profité, au besoin, de l'occasion pour y contribuer.
Examen triennal de la Loi antiterroriste
La Loi antiterroriste omnibus a apporté des modifications importantes à plusieurs lois en vigueur, notamment la Loi sur la défense nationale, qui énonce le fondement législatif du CST et du poste de commissaire du CST. La Loi antiterroriste prévoit la tenue d'un examen de ses dispositions et de son application trois ans après l'obtention de la sanction royale; c'est pour cette raison que le Comité spécial du Sénat sur la Loi antiterroriste a été mis sur pied en décembre 2004.
J'ai comparu devant le Comité spécial du Sénat le 13 juin 2005, ainsi que devant le Sous-comité de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes deux jours plus tard, soit le 15 juin. Dans les deux cas, j'ai présenté mon point de vue sur la législation, à partir de l'expérience de mon bureau depuis sa mise en application. Dans mes observations, j'ai indiqué très clairement que, si la Loi est absolument indispensable, certaines de ses dispositions devraient être précisées et explicitées - notamment celles touchant les autorisations ministérielles permettant l'interception de communications privées en vue d'obtenir des renseignements étrangers[3] - afin d'éliminer les ambiguïtés et d'assurer une compréhension commune de l'application opérationnelle de ces dispositions. En outre, j'ai écrit au président du Sous-comité pour lui faire part de mon opinion au sujet de certaines recommandations formulées par d'autres témoins, qui pourraient avoir une incidence sur mon bureau.
Après la dissolution du Parlement en novembre 2005, le Comité spécial du Sénat sur la Loi antiterroriste a également été dissout sans avoir déposé son rapport. Le 31 mars 2006, à la fin de la période de référence, le nouveau Parlement n'avait pas encore commencé à siéger, mais je suivrai les faits nouveaux dans ce domaine avec un grand intérêt.
Loi sur les divulgateurs
La Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles (aussi appelée « loi sur les divulgateurs ») a reçu la sanction royale en novembre 2005. La Loi prévoit des procédures de divulgation des actes fautifs dans le secteur public et renferme des dispositions sur la protection des divulgateurs. Quoique mon bureau soit assujetti à cette loi, le CST est exclu de la définition de « secteur public » et, par conséquent, de l'application générale de la Loi. Toutefois, cette dernière prévoit que les organisations exclues, tel le CST, doivent mettre en place des procédures similaires propres à leur organisme.
La Loi n'est pas encore en vigueur, et il semble que le projet de loi C-2 (Loi fédérale sur l'imputabilité) déposé par le nouveau gouvernement puisse en modifier certaines dispositions. Il est néanmoins probable que le CST devra se doter de procédures concernant la divulgation des actes répréhensibles – et la protection des divulgateurs –, conférant probablement un rôle d'examinateur au commissaire du CST. Le cas échéant, je suis tout à fait prêt à assumer cette responsabilité.
Projets de loi morts au Feuilleton
Deux projets de loi pouvant influer sur le contexte dans lequel mon bureau exerce ses activités sont morts au Feuilleton lorsque le Parlement a été dissout en novembre 2005. À la fin de la période de référence, le nouveau gouvernement n'avait pas encore indiqué s'il donnerait suite à ces projets de loi.
Le projet de loi C-74 (Loi sur la modernisation des techniques d'enquête) a fait l'objet d'une première lecture à la Chambre des communes en novembre 2005. Il obligerait les fournisseurs de services de télécommunications à prendre les dispositions nécessaires pour faciliter l'interception licite de l'information transmise par télécommunication et à fournir des renseignements de base sur leurs abonnés aux autorités mentionnées.
Ce projet de loi n'aurait aucune incidence sur le mandat du CST concernant la fourniture de renseignements étrangers ou la protection des renseignements électroniques et des infrastructures d'information. Toutefois, il pourrait influer sur la portée de l'aide technique et opérationnelle que le CST transmet aux organismes fédéraux d'application de la loi et de sécurité dans l'exercice des fonctions que la loi leur confère.
Le projet de loi C-81 (Loi constituant le Comité de parlementaires sur la sécurité nationale) a également été lu pour la première fois à la Chambre des communes en novembre 2005. Le comité proposé aurait pour mandat d'examiner les cadres législatif, réglementaire, stratégique et administratif de la sécurité nationale, ainsi que les activités des ministères et organismes fédéraux responsables de la sécurité nationale. Il ne devrait toutefois pas faire double emploi avec les activités des organismes d'examen en place.
Je conviens que le Parlement pourrait jouer un rôle plus actif dans les questions relatives à la sécurité et au renseignement, y compris l'examen des travaux des organismes d'examen tels que celui dont je suis responsable. Cependant, je suis conscient de certains défis que cela suppose, notamment la composition du comité et son accès à des renseignements et à des documents classifiés.
Commission Arar
La Commission d'enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar, présidée par le juge Dennis O'Connor, a été mise sur pied en février 2004. Elle est chargée entre autres de recommander un mécanisme d'examen concernant les activités de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) relatives à la sécurité nationale. Dans le cadre de cette partie de son mandat, la Commission a considéré des mécanismes canadiens et étrangers d'examen dans le domaine du renseignement et a tenu des consultations publiques. Mon bureau a soumis des observations écrites et orales. Mon principal message à la Commission était que le mécanisme canadien en place est efficace et que l'expérience a prouvé qu'il fonctionne bien.
Les principaux éléments du mécanisme prévoient des organismes d'examen distincts ayant chacun :
- un mandat propre aux fonctions et aux activités de l'organisme examiné;
- une entière indépendance;
- un accès large et sans entrave aux installations, au personnel et à l'information;
- le pouvoir d'examiner toutes les activités opérationnelles et de faire enquête sur les plaintes;
- l'obligation de rendre compte au ministre responsable devant le Parlement de l'organisme soumis à un examen, de sorte que la reddition de comptes au Parlement soit claire et rigoureuse.
Les points forts du mécanisme sont donc la pertinence, l'efficacité et la reddition de comptes. Sa souplesse permet en outre de l'adapter facilement à des circonstances et des exigences particulières, et de prévoir par exemple un mécanisme visant uniquement à examiner les activités de la GRC en matière de sécurité nationale.
J'attends avec intérêt le rapport de la Commission et ses recommandations.
Interception de communications privées par la National Security Agency des États-Unis
À la fin de 2005, les médias américains ont rapporté qu'après les attentats du 11 septembre 2001, le président George W. Bush avait ordonné à la National Security Agency (NSA), dans l'intérêt de la sécurité nationale, d'intercepter sans mandat des communications privées de citoyens américains. Selon la presse, par ces mesures, le président outrepassait le processus établi pour de telles circonstances dans la Foreign Intelligence Surveillance Act de 1978.
Naturellement, des questions, des commentaires et des hypothèses ont commencé à paraître dans les médias canadiens concernant le rôle et les activités du CST dans le contexte de menace actuel. J'ai donc fait des recherches approfondies - j'ai notamment discuté et échangé de l'information avec le chef du CST - et j'ai fait appel à la somme considérable des travaux effectués par mon personnel au cours des dernières années. Il n'est pas question pour moi de commenter la légalité des activités de la NSA, puisqu'elles ne sont pas de mon ressort. Par contre, j'ai décidé de profiter de l'occasion que m'offre le présent rapport annuel pour mettre en lumière le régime en place au Canada.
La partie V.1 de la Loi sur la défense nationale permet au CST de collecter des communications, y compris des communications à destination ou en provenance du Canada, pour autant que la cible soit une entité étrangère située à l'extérieur du Canada. Autrement dit, la cible ne peut pas être un Canadien ni être située au Canada. Ce type de collecte dans lequel la partie non ciblée se trouve au Canada doit être autorisé, au préalable, par le ministre de la Défense nationale. La LDN fixe les conditions qui doivent être remplies à la satisfaction du ministre pour que celui-ci délivre une autorisation ministérielle. Le Parlement était d'avis qu'une autorisation ministérielle, prévue par la loi, constituait une meilleure approche pour conférer le pouvoir requis que le recours à un mandat, lequel ne pourrait pas s'appliquer à des cibles étrangères situées à l'extérieur du Canada.
Le régime qui permet au CST d'intercepter les communications d'entités étrangères, même s'il s'agit de communications en provenance ou à destination du Canada (c'est-à-dire des communications privées[4]), est prescrit par la loi. Par ailleurs, la LDN me charge, en tant que commissaire du CST, d'examiner les activités de l'organisme pour en contrôler la conformité. Elle stipule plus précisément que je suis tenu de faire enquête sur les activités qui ont été exercées sous le régime d'une autorisation ministérielle, afin de garantir qu'elles ont bel et bien été autorisées, et de présenter au ministre, une fois par an, les conclusions de mon enquête. Un résumé de mes travaux d'examen au cours de l'exercice terminé le 31 mars 2006 est présenté ci-après.
[3] Dans mon rapport annuel 2005-2006, j'ai présenté mon point de vue concernant la façon dont j'ai interprété et continuerai de remplir mon mandat relatif aux autorisations ministérielles en matière de renseignement étranger (p. 8-11).
[4] Aux termes du Code criminel, une communication privée s'entend de toute communication en provenance ou à destination du Canada, où son auteur peut raisonnablement s'attendre à ce qu'elle ne soit pas interceptée par un tiers.
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