Le contexte d'examen
Recommandations du Sous-comité de la Chambre des communes et du Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste
Dans le rapport final qu'il a présenté à la Chambre des communes le 27 mars 2007, le Sous-comité de la Chambre des communes chargé d'examiner la Loi antiterroriste omnibus a formulé un certain nombre de recommandations concernant le CSTC et mon bureau, notamment sur les ambiguïtés juridiques des dispositions relatives aux autorisations ministérielles. Depuis que la Loi antiterroriste a reçu la sanction royale en décembre 2001, mes prédécesseurs et moi-même sommes aux prises avec un dilemme persistant qui découle des changements que cette loi a apportés à la Loi sur la défense nationale. Un sujet particulièrement préoccupant est la divergence de vues entre mon bureau et le CSTC concernant les avis juridiques qui lui sont prodigués par le ministère de la Justice visant l'interprétation des dispositions relatives aux autorisations ministérielles.
Dans son rapport final, le Sous-comité encourageait l'avocat du gouvernement et moi-même à régler ce différend. De plus, il demandait que, dans sa réponse au Rapport final, le gouvernement précise, dans la mesure du possible, quels étaient les points de désaccord et comment ils avaient été résolus et que, à défaut, je fournisse ces détails dans mon rapport annuel de 2007-2008.
Le gouvernement a indiqué que des modifications législatives seraient adoptées en temps opportun. Un an plus tard, il semble y avoir eu peu de progrès.
Le gouvernement a publié sa réponse le 18 juillet 2007, dans lequel il indique que « le CST collabore avec les fonctionnaires du ministère de la Justice afin de […] régler [ces questions] et de faire adopter les modifications législatives proposées en temps opportun »[2]. Un an plus tard, il semble y avoir eu peu de progrès. En attendant que les choses évoluent, j'acquiesce à la demande du Sous-comité et j'explique deux de mes principales recommandations concernant les autorisations ministérielles.
Modifications proposées à la Loi sur la défense nationale
La disposition relative aux autorisations ministérielles accordées aux seules fins de l'obtention du renseignement étranger est la suivante :
Autorisation ministérielle
273.65 (1) Le ministre peut, dans le seul but d'obtenir des renseignements étrangers, autoriser par écrit le Centre de la sécurité des télécommunications à intercepter des communications privées liées à une activité ou une catégorie d'activités qu'il mentionne expressément.
Conditions d'autorisation
(2) Le ministre ne peut donner une autorisation que s'il est convaincu que les conditions suivantes sont réunies :
a) l'interception vise des entités étrangères situées à l'extérieur du Canada;
b) les renseignements à obtenir ne peuvent raisonnablement être obtenus d'une autre manière;
c) la valeur des renseignements étrangers que l'on espère obtenir grâce à l'interception justifie l'interception envisagée;
d) il existe des mesures satisfaisantes pour protéger la vie privée des Canadiens et pour faire en sorte que les communications privées ne seront utilisées ou conservées que si elles sont essentielles aux affaires internationales, à la défense ou à la sécurité.
[…]
Ma première recommandation principale concerne l'expression activité ou catégorie d'activités relativement au CSTC et au commissaire. Mes prédécesseurs et moi-même estimons depuis longtemps qu'une simple lecture de la Loi soutient l'interprétation selon laquelle l'interception autorisée par le ministre est celle d'une communication privée liée à une activité ou une catégorie d'activités qui est ciblée ou fait l'objet d'une enquête, et qu'elle ne constitue pas une méthode de collecte comme l'affirme le CSTC. Par conséquent, une modification importante serait de clarifier la signification de l'expression activité ou catégorie d'activités.
Ma seconde recommandation principale est de définir les termes intercepter et interception, ou d'établir un renvoi à la définition du terme intercepter qui se trouve dans le Code criminel. À l'heure actuelle, ces termes ne sont pas définis dans la Loi sur la défense nationale. Or, ils ont tous les deux une signification juridique et opérationnelle pour le CSTC.
En l'absence de définitions qui soient comprises et appliquées uniformément, il m'est difficile d'interpréter les pouvoirs conférés au CSTC et d'examiner la façon dont ils ont été appliqués.
Le Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste a aussi formulé des recommandations relatives aux autorisations ministérielles. Il a notamment recommandé « [q]ue les paragraphes 273.65(2) et (4) de la Loi sur la défense nationale soient modifiés de manière à préciser que les faits et opinions qui sont nécessaires afin de convaincre le ministre de la Défense nationale que toutes les conditions justifiant une autorisation écrite de recourir à l'interception des communications privées sont réunies, doivent être fondés sur une croyance raisonnable ou des soupçons raisonnables »[3]. La clarification dans la Loi de la norme à appliquer demeure une question à l'ordre du jour pour mon bureau, et je continue d'appuyer un tel amendement à la Loi sur la défense nationale.
Par ailleurs, j'ai recommandé aux représentants du CSTC et du ministère de la Justice d'autres modifications que je juge pertinentes.
En réponse à une autre recommandation du Sous-comité de la Chambre des communes, le gouvernement a fait savoir qu'il n'a pas l'intention de modifier la Loi afin de préciser que mon bureau devrait procéder à des examens des activités liées à l'interception pour déterminer si elles sont conformes à la Charte canadienne des droits et libertés et à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Comme je l'ai signalé dans mon rapport annuel de l'an dernier, la méthode d'examen de mon bureau a toujours intégré une vérification de la conformité par rapport à toutes les lois pertinentes, y compris la Charte et la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Le Sous-comité recommandait également dans son rapport final que le gouvernement établisse par voie législative un comité de parlementaires qui serait chargé d'examiner les questions de sécurité nationale et que ce comité soumette la Loi antiterroriste à un autre examen exhaustif à l'issue d'une période déterminée. Le gouvernement a répondu qu'il n'a pas décidé si telle était la meilleure façon de procéder. Il a toutefois indiqué qu'il « proposera une approche visant la sécurité nationale qui remplira les objectifs de base énoncés dans le deuxième rapport de la Commission d'enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar; il étudie aussi des options pour accroître le rôle des parlementaires en tant qu'élément clé des propositions visant à mettre en place un meilleur cadre d'examen des mesures de sécurité nationale »[4]. Comme je l'ai indiqué dans mon rapport de l'an dernier, je suis d'accord avec mon prédécesseur qui a dit appuyer « l'idée d'un examen parlementaire plus dynamique des activités liées à la sécurité nationale », mais en soulignant « les défis qui y sont associés, notamment en ce qui a trait à la composition du comité et à son accès à des documents et renseignements classifiés »[5].
L'enquête interne Iacobucci et la Commission d'enquête Major
L'honorable Frank Iacobucci a entamé une enquête interne concernant les agissements des responsables canadiens relativement à Abdullah Almalki, Ahmad Abou-Elmaati et Muayyed Nureddin. Il doit déterminer, entre autres choses, si la détention ou tout mauvais traitement de ces personnes en Syrie ou en Égypte découle, directement ou indirectement, des actions de responsables canadiens, particulièrement en ce qui concerne l'échange de renseignements avec des pays étrangers et, le cas échéant, si ces actions comportaient des lacunes dans les circonstances.
L'honorable John Major fait enquête sur les mesures d'investigation prises à la suite de l'attentat à la bombe contre le vol 182 d'Air India. Il doit notamment établir si des changements de pratique ou législatifs s'imposent pour éviter d'autres problèmes similaires de coopération entre le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et la Gendarmerie royale du Canada (GRC), dans le cadre des enquêtes relatives à des infractions de terrorisme. Il doit également recommander au gouvernement des moyens d'établir une relation fiable et fonctionnelle entre les organismes du renseignement de sécurité et les organismes d'exécution de la loi relativement à l'utilisation du renseignement comme élément de preuve dans un procès criminel.
Je m'intéresse à l'échange de données concernant les Canadiens, particulièrement lorsque ces renseignements doivent être échangés à l'extérieur du Canada. C'est une question que mon bureau continue d'examiner. À cet égard, les conclusions des commissions Iacobucci et Major pourraient avoir une incidence sur les organismes du renseignement et de la sécurité, ainsi que sur les organismes d'examen, y compris mon bureau.
[2] Réponse du gouvernement du Canada au Rapport final du Sous-comité sur la revue de la Loi antiterroriste, du Comité permanent de la Chambre des communes sur la sécurité publique et nationale, p. 22.
[3] Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste, Justice fondamentale dans des temps exceptionnels : Rapport principal du Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste, février 2007, recommandation no 18, p. 85.
[4] Supra, note 2, p. 28.
[5] Commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications, Rapport annuel 2006–2007, p. 8.
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