Message du commissaire
J'ai été nommé commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications le 18 juin 2010. Je savais très peu de choses du défi qui m'attendait. Je savais que je succédais à d'illustres collègues que j'avais eu le privilège de côtoyer au cours de ma carrière (les juges en chef Bisson et Lamer et les juges Gonthier et Cory). Je savais que je serais impliqué dans un domaine hautement technique et fascinant mais combien délicat, celui de la sécurité et de la protection de la vie privée des Canadiens. J'avais été impliqué, comme avocat puis comme juge d'appel, dans plusieurs dossiers reliés à la vie privée et au terrorisme. Mais jamais je n'aurais imaginé l'ampleur des activités du Centre, non plus que le rôle névralgique du Bureau du commissaire.
D'entrée de jeu je veux saluer l'accueil chaleureux que m'a réservé l'équipe du Bureau du commissaire. Je dis « équipe », car il s'agit d'un groupe de personnes qui travaille dans un esprit de convivialité et de solidarité remarquable. J'ai apprécié tout particulièrement les efforts de vulgarisation qui ont été déployés dès mon arrivée pour me permettre de me familiariser avec les mandats et les rôles respectifs du Bureau et du Centre. À cet égard, je veux remercier le Centre et son chef, John Adams, qui ont fait un effort important pour que je comprenne le plus tôt possible la nature et l'ampleur du travail effectué par le Centre. Les séances d'information que le Centre a préparées à mon intention étaient complexes, intenses et, je dois le reconnaître, bien adaptées à mes besoins.
Au cours de ces premiers neuf mois de mon mandat, j'ai été impressionné par le professionnalisme, l'objectivité et la rigueur de mes analystes. Ils se savent investis d'une mission importante, notamment lorsqu'il s'agit de s'assurer que l'interception fortuite de communications privées concernant des Canadiens est conforme à la loi. Ils ne négligent aucune avenue dans les examens qu'ils effectuent et, s'ils font preuve de réalisme dans un domaine où il n'existe pas de solution miracle, ils ne manifestent pour autant aucune complaisance et passent tout, scrupuleusement, au peigne fin.
Par ailleurs, j'ai aussi été impressionné, et je dois dire surpris car j'étais au départ sceptique à cet égard, par la transparence et l'esprit de coopération du Centre et de son chef. Il y a eu, déjà, et il y aura encore, c'est sûr, des différends importants, mais dans l'ensemble, je suis à même de constater que la protection de la vie privée des Canadiens est, aux yeux du Centre et de son personnel, une préoccupation beaucoup plus sincère que je ne l'aurais imaginé.
Lors de ma comparution devant le Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes, le 18 novembre dernier, je faisais état en ces termes du dilemme auquel faisait face le Parlement en adoptant la Loi antiterroriste en décembre 2001 :
Au Canada, chacun a un droit quasi-constitutionnel au respect de sa vie privée. Chacun a aussi un droit constitutionnel à la sécurité de sa personne. Par ailleurs, l'État a l'obligation de protéger l'un et l'autre de ces droits individuels et d'assurer aussi la sécurité du pays. Ces droits et obligations ne sont pas faciles à réconcilier : que serait en effet le droit à la vie privée, que serait le droit à la sécurité de la personne, dans une société dont la sécurité ne serait plus acquise et qui ne serait plus libre et démocratique?
Je dois réconcilier ces droits et obligations dans le contexte bien particulier des activités auxquelles s'adonne le Centre. Il faut rappeler que le premier mandat du Centre est de recueillir des renseignements en provenance d'entités étrangères situées à l'extérieur du Canada. Il est en effet interdit au Centre, de par la loi même qui le constitue, d' « espionner » un Canadien, peu importe où il se trouve dans le monde, ou toute personne au Canada. Ce n'est que de manière fortuite, et j'ajouterais incontournable tant les réseaux globaux de télécommunications sont complexes, omniprésents et tentaculaires, qu'une communication privée est interceptée par le Centre. C'est justement en raison de cette éventualité que la loi permet d'obtenir une autorisation ministérielle. Le nombre de ces interceptions, je m'empresse de le noter, est minime.
Dès mon entrée en scène, j'ai pris l'initiative de rencontres avec le ministre de la Défense nationale, le chef du Centre, le Conseiller à la sécurité nationale auprès du Premier ministre, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, l'inspecteur général du Service canadien du renseignement de sécurité, la commissaire à la protection de la vie privée et le président par intérim de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada. Ces rencontres m'ont permis de mieux apprécier à la fois l'ampleur des activités de surveillance des agences de renseignement et de sécurité au Canada et l'opportunité d'un plus grand contact entre les divers organismes de surveillance.
Avant d'expliquer mon rôle, j'aimerais permettre au lecteur de comprendre clairement le mandat du Centre.
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