Contexte de l'examen
Modifications proposées à la Loi sur la défense nationale
La Loi sur la défense nationale interdit que les activités du CSTC relatives à la collecte de renseignements étrangers et à la sécurité des technologies de l'information visent un Canadien ou une personne vivant au Canada. Elle exige en outre que le CSTC prenne des mesures pour protéger la vie privée des Canadiens concernant l'utilisation et la conservation des renseignements interceptés.
Toutefois, en raison de la manière dont les communications sont transmises, le CSTC peut, tout en s'acquittant de la collecte de renseignements étrangers ou en menant ses activités relatives à la sécurité des technologies de l'information, comme l'exige son mandat, intercepter par inadvertance des communications des Canadiens ou des personnes vivant au Canada, qui sont des « communications privées » au sens de l'article 183 du Code criminel.
Reconnaissant cette possibilité, la Loi sur la défense nationale permet au ministre de la Défense nationale à autoriser le CSTC à intercepter des communications privées. Toutefois, avant d'accorder cette autorisation, le ministre de la Défense nationale doit être convaincu que certaines conditions établies dans la Loi sur la défense nationale sont remplies. Quatre conditions sont stipulées concernant les autorisations ministérielles de collecte de renseignements étrangers (paragraphe 273.65 (2)) et cinq conditions visent les autorisations ministérielles relatives à la sécurité des technologies de l'information (paragraphe 273.65 (4))
Les activités du CSTC menées en vertu d'une autorisation ministérielle doivent être entreprises conformément :
- à la législation pertinente, à savoir la Loi sur la défense nationale, la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi sur la protection des renseignements personnels, le Code criminel, de même que l'avis du ministère de la Justice du Canada;
- aux exigences établies par le ministre de la Défense nationale dans l'autorisation ou dans des instructions ministérielles, par exemple, pour des raisons de reddition de comptes, d'enregistrement et de rapport au ministre concernant certaines informations après l'expiration de l'autorisation ministérielle; et
- aux politiques et procédures du CSTC.
Le mandat dont est investi le commissaire en vertu de la loi consiste notamment à examiner les activités du CSTC menées en vertu des autorisations ministérielles pour s'assurer qu'elles ont été autorisées et exécutées en conformité avec la loi. Les examens menés par les anciens commissaires n'ont jamais mis au jour de situation où le CSTC aurait ciblé les communications d'un Canadien ou d'une personne vivant au Canada.
Communications privées et information concernant des Canadiens
Les examens des activités menées par le CSTC en vertu d'autorisations ministérielles ont montré invariablement que la proportion de communications privées de Canadiens qu'intercepte par inadvertance le CSTC est très petite.
Les rapports classifiés sur les renseignements étrangers du CSTC peuvent renfermer de l'information sur des citoyens canadiens, des résidents permanents ou des sociétés canadiennes (en vertu de l'article 273.61 de la Loi sur la défense nationale), si cette information est jugée essentielle à la compréhension de l'ensemble. Toutefois, l'information doit être supprimée, c'est-à-dire qu'elle est remplacée par une mention générale du type « un Canadien ou une Canadienne ».
Les autorisations ministérielles concernant les renseignements étrangers du CSTC sont rédigées de façon très générale et s'appliquent aux méthodes de collecte des renseignements étrangers plutôt qu'aux personnes. Toutefois, de l'avis des commissaires, il n'apparaît pas clairement que la Loi sur la défense nationale appuie une telle approche. Ils préconisent donc que l'on apporte des modifications à la Loi sur la défense nationale pour clarifier les ambigüités relatives aux autorisations ministérielles visant les renseignements étrangers. Ainsi, l'ancien commissaire Gonthier a réitéré l'an dernier que « le temps qui s'écoule sans qu'on applique les modifications législatives met en danger l'intégrité du processus d'examen. »
Le commissaire Gonthier a été informé par le ministre de la Défense nationale du fait que la levée des ambigüités et d'autres modifications à la Loi sur la défense nationale constituent une priorité législative. En attendant les modifications, les commissaires ont continué d'avoir recours à une solution provisoire, qui consiste à émettre une opinion avec réserve, c'est-à-dire examiner les activités de collecte de renseignements étrangers menées par le CSTC en vertu d'une autorisation ministérielle en fonction de l'interprétation de la Loi sur la défense nationale par le ministère de la Justice du Canada. Toutefois, les anciens commissaires ont signifié leur désaccord à l'égard de certains aspects importants de cette interprétation, ce qui attire l'attention sur la nécessité d'apporter des modifications à la Loi sur la défense nationale.
Aide du CSTC au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), en vertu de la partie c) du mandat du CSTC et des articles 12 et 21 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité
Les questions de sécurité nationale font de plus en plus l'objet de procédures devant les tribunaux et d'autres procédures publiques. Dans sa décision du 5 octobre 2009 sur une demande de mandat en vertu des articles 12 et 21 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, l'honorable juge Mosley de la Cour fédérale a autorisé le SCRS, avec l'aide technique du CSTC, à intercepter des communications au Canada se rapportant à des activités que deux personnes, selon des allégations, allaient mener au cours d'un voyage à l'étranger, et qui constitueraient une menace pour la sécurité. Le juge Mosley a établi une distinction entre cette demande et une autre demande similaire entendue et refusée en octobre 2007 par l'honorable juge Blanchard, également de la Cour fédérale.
Dans les motifs de la décision, le juge Mosley dit ce qui suit : « en autorisant le SCRS, avec le soutien technique du CST[C], à obtenir des renseignements ... interceptés au Canada, je n'autorise pas le CST[C] à outrepasser le mandat légal que lui confie la Loi sur la défense nationale. [...] Les activités du CST[C] ne viseront pas des citoyens canadiens et n'auront pas pour but d'obtenir des renseignements pour le CST[C], elles serviront plutôt à aider le SCRS ».
Mandat du CSTC pour aider les organismes fédéraux chargés de l'application de la loi et de la sécurité
L'alinéa 273.64(1)c) de Loi sur la défense nationale autorise le CSTC à fournir une assistance technique et opérationnelle aux organismes fédéraux chargés de l'application de la loi et de la sécurité, dans l'exercice des fonctions que la loi leur confère. Le CSTC est assujetti à toutes restrictions imposées par la loi visant l'organisme auquel il fournit son assistance – par exemple, les conditions imposées par un juge dans un mandat.
En 2010—2011, le bureau du commissaire effectuera un examen de l'assistance du CSTC à l'appui du SCRS ayant trait à l'interception de communications au Canada provenant de Canadiens situés à l'étranger, sous réserve d'un mandat en vertu des articles 12 et 21 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, dans des conditions identiques à la demande autorisée par la décision du juge Mosley.
Constatations et recommandations découlant des commissions d'enquête Iacobucci et O'Connor
En juin 2009, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale a publié un rapport faisant état de son étude des constats et recommandations de l'Enquête interne sur les actions des responsables canadiens relativement à Abdullah Almalki, Ahmad Abou-Elmaati et Muayyed Nureddin (enquête Iacobucci) ainsi que du rapport de la Commission d'enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar (enquête O'Connor). Le Comité permanent a exhorté le gouvernement à mettre en œuvre toutes les recommandations de ces commissions d'enquête.
En octobre 2009, le gouvernement a répondu au rapport du Comité permanent en faisant part de sa détermination « … à moderniser et à renforcer le cadre d'examen des activités de sécurité nationale au Canada », et en précisant que « [l]e gouvernement a pour objectif de renforcer les structures d'examen existantes … » et que « [d]es progrès importants ont été accomplis à l'égard de l'analyse des politiques touchant le cadre d'examen des activités de sécurité nationale du Canada, plus particulièrement …l'établissement d'un mécanisme pour faciliter les examens interorganisme des activités de sécurité nationale. »
En ce qui concerne ce dernier point, l'ancien commissaire Gonthier estimait qu'il n'y avait pas d'obstacle, ni juridique ou autre, à la coopération entre les organismes d'examen de la sécurité nationale, et qu'on avait tout à gagner en menant des examens conjoints ou parallèles, ainsi que des travaux de recherche ou d'autres missions en collaboration.
Concernant le rôle des membres du Parlement, et dans le contexte de l'élaboration d'un meilleur cadre de sécurité nationale, la réponse du gouvernement faisait part de son intention d'accorder toute l'attention requise à la cinquième recommandation formulée par le Comité permanent de la sécurité publique et nationale voulant que le projet de loi C-81, Loi constituant le Comité de parlementaires sur la sécurité nationale, présenté lors de la 38e législature, ou une variante de ce projet de loi, soit présenté au Parlement dans les plus brefs délais. Les anciens commissaires se sont interrogés sur la composition d'un tel comité et sur son accès à des renseignements de sécurité nationale classifiés.
Les commissions d'enquête O'Connor et Iacobucci ont également soulevé plusieurs questions concernant l'échange d'information entre les organismes canadiens voués à la sécurité et au renseignement et des organismes étrangers. La réponse du gouvernement indiquait que « les résultats cumulatifs des commissions d'enquête successives, des rapports et des leçons apprises ont mené à l'amélioration des politiques et des pratiques relatives à l'échange d'information entre les partenaires étrangers et les communautés canadiennes de la sécurité nationale, du renseignement et de l'application de la loi ». L'échange d'information constitue un élément essentiel du programme de renseignement étranger du CSTC. Le bureau du commissaire effectue à l'heure actuelle l'examen de cette activité.
Dans sa réponse aux recommandations des commissions d'enquête O'Connor et Iacobucci, le gouvernement a indiqué qu'il continuerait de tenir compte de l'avis des intervenants. Le bureau du commissaire est prêt à débattre de ces questions.
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